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Avant la Toussaint pour tous ceux qui comme moi vive la disparition de ce qui leur fut le plus cher

Nous recevons la nouvelle de la disparition de l'être aimé comme l'enfoncement d'un poing de marbre dans notre poitrine. Pendant quelues mois nous avons le souffle coupé. Le choc nous a fait reculer d'un pas. Nous ne sommes plus dans le monde. Nous le regardons. Comme il est étrange. Le moins absurde, ce sont les fleurs. Elles sont des cris de toutes les couleurs. La moindre pâquerette cherche désespérément à se faire entendre de nous. sa parole c'est sa couleur. Quand tu es morte, je suis devenu un drogué des fleurs. J'en mettais partout dans la maison. Le monde, dont ta mort m'avait détaché, tournait lentement comme une boule noire dans le noir mais il y avait cette insolence colorée des fleurs, ce démenti jaune, blanc , bleu, rose au néant monocorde ……. Le poing de marbre s'est retiré de ma poitrine. Je suis revenu au monde comme l'enfant pose son visage contre la vitre. ……Il a donc repris toute sa place. Presque : je n'oublie pas ce que m'ont dit les fleurs en ton absence. Car j'ai fini par les entendre. La vie est à peu près cent milliard de fois plus belle que nous l'imaginons- ou que nous la vivons. Je vois la vigne vierge à la fenêtre. Des souffles colorés traversent le pré. Les fleurs sont les premières gouttes de pluie de l'éternel. Christian Bobin


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